Imposer des décisions indispensables en copropriété : cas pratiques, solutions juridiques et rôle du juge de paix en Belgique
- Syndic
- 30 oct. 2023
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 mai
Vivre en copropriété, c’est partager un cadre de vie, mais aussi des règles et des décisions collectives. Parfois, il devient nécessaire d’imposer certaines décisions pour préserver l’intérêt commun, la sécurité ou la bonne gestion de l’immeuble. Voici un guide complet, accessible aux novices, pour comprendre les différents cas de blocage et les solutions juridiques et pratiques à chaque étape.
1. Annuler ou imposer une décision d’assemblée générale (AG)
Cas typiques :
L’AG refuse des travaux urgents (ex. : réparation de toiture, sécurité incendie).
Une décision est prise en violation des règles (ex. : convocation irrégulière, majorité non atteinte).
Une décision cause un préjudice injustifié à un copropriétaire.
Explications :L’assemblée générale (AG) est l’organe qui prend les décisions importantes : travaux, budgets, choix du syndic, etc. Mais il arrive qu’une décision soit contestable ou qu’une minorité bloque un projet pourtant indispensable.
Solutions :
Conciliation : Tentez d’abord un dialogue ou une médiation avec les autres copropriétaires ou le syndic. La conciliation judiciaire, gratuite et rapide, peut être organisée par le juge de paix.
Recours au juge de paix : Si la conciliation échoue, saisissez le juge de paix dans les 4 mois suivant l’AG. Vous devrez prouver que la décision est irrégulière (non-respect de la loi ou des statuts), abusive (préjudice disproportionné) ou frauduleuse3.
Ce que peut décider le juge : Il peut annuler la décision, l’imposer à la copropriété ou autoriser un copropriétaire à réaliser les travaux nécessaires aux frais de tous.
2. Répartir équitablement les charges et quotes-parts
Cas typiques :
Un copropriétaire du rez-de-chaussée conteste sa participation aux frais d’ascenseur.
La répartition des charges ne correspond plus à l’usage réel des parties communes.
Explications :Les charges de copropriété doivent être réparties selon l’utilité et la quote-part de chacun, définies dans le règlement de copropriété. Mais des erreurs ou des situations injustes peuvent survenir (ex. : travaux qui ne concernent pas tous les lots).
Solutions :
Demander une modification à l’AG : Exposez la situation lors d’une AG et proposez une modification des quotes-parts ou de la répartition des charges.
Saisir le juge de paix : Si l’AG refuse ou si la décision est injuste, vous pouvez saisir le juge de paix, qui pourra imposer une nouvelle répartition plus équitable3.
3. Imposer des travaux indispensables
Cas typiques :
L’AG refuse des travaux urgents (sécurité, étanchéité, chauffage collectif).
Certains copropriétaires bloquent systématiquement les décisions (abus de minorité).
Explications :Parfois, des travaux sont indispensables pour la sécurité ou la conservation de l’immeuble, mais une minorité s’y oppose pour des raisons personnelles ou financières.
Solutions :
Demander une AG extraordinaire : Si 20% des copropriétaires le demandent, une AG peut être convoquée pour re-voter sur les travaux
Saisir le juge de paix pour abus de minorité : Si la minorité bloque sans raison valable, le juge peut se substituer à l’AG et autoriser les travaux
Autorisation judiciaire : Pour des travaux urgents refusés, le juge peut autoriser un copropriétaire à les réaliser, aux frais de la copropriété.
4. Régler les abus ou carences du syndic
Cas typiques :
Le syndic ne convoque pas l’AG, ne fait pas exécuter les décisions, ou gère mal les finances.
Le syndic refuse de communiquer les documents ou d’appliquer le règlement.
Explications :Le syndic est le gestionnaire de la copropriété. S’il manque à ses obligations, la copropriété peut se retrouver bloquée ou mal gérée
Solutions :
Demander des explications lors de l’AG : Inscrivez les points litigieux à l’ordre du jour, demandez des comptes ou la révocation du syndic.
Saisir le juge de paix : En cas de faute grave ou de carence, le juge peut révoquer le syndic et en nommer un provisoire pour débloquer la situation
5. Gérer les troubles de voisinage et les infractions au règlement
Cas typiques :
Nuisances sonores, occupation abusive des parties communes, travaux sans autorisation.
Non-respect du règlement de copropriété (barbecues interdits, animaux, etc.).
Explications :La vie en copropriété impose le respect de règles pour garantir la tranquillité et la sécurité de tous
Solutions :
Dialogue et rappel du règlement : Le syndic ou le conseil de copropriété peut rappeler les règles et tenter une médiation
Mise en demeure : Si le trouble persiste, une lettre recommandée peut être envoyée au copropriétaire concerné.
Action en justice : En cas d’échec, le juge de paix peut ordonner la cessation du trouble, des sanctions ou des indemnités pour les victimes.
6. Litiges avec le conseil d’administration ou l’ACP
Cas typiques :
Manque de transparence, mauvaise gestion financière, non-respect des décisions d’AG.
Explications :Le conseil d’administration (ou Association des copropriétaires, ACP) doit respecter la loi et les décisions collectives. Les copropriétaires peuvent agir s’ils constatent des fautes ou des abus.
Solutions :
Demande de rectification ou médiation : Tentez une solution amiable ou une médiation avec le conseil.
AG pour voter des mesures correctives : Les copropriétaires peuvent convoquer une AG pour exiger des explications ou voter la révocation de membres du conseil.
Recours judiciaire : Si rien ne change, le juge de paix peut être saisi pour faire respecter les obligations légales ou demander des réparations.
Tableau récapitulatif : cas et solutions
Conseils pratiques
Privilégiez toujours la solution amiable : dialogue, médiation ou conciliation judiciaire sont souvent plus rapides et moins coûteux
Respectez les délais : pour contester une décision d’AG, agissez dans les 4 mois
Préparez un dossier solide : rassemblez PV, courriers, photos, devis, expertises.
N’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé pour les cas complexes
Envisagez une assurance protection juridique pour couvrir les frais de procédure et bénéficier de conseils d’experts
En résumé :Imposer une décision indispensable en copropriété passe souvent par le dialogue, la médiation et, en dernier recours, par l’action devant le juge de paix. Chaque situation a sa solution juridique adaptée, et il existe des démarches claires pour défendre l’intérêt collectif tout en préservant la vie en communauté.
Article intéressant
Syndic judiciaire copropriété
Imaginez que vous êtes un copropriétaire dans un immeuble à appartements, où les désaccords sont si profonds que plus aucune décision n’est prise, plus aucune facture n’est payée. Que pouvez-vous faire dans cette situation ?
Quelles options s’offrent à vous ?
Problèmes de gestion dans l’immeuble. Les causes de ces problèmes peuvent être diverses : p.ex. des problèmes financiers, qui ne permettent plus de payer les fournisseurs à temps, des querelles entre plusieurs copropriétaires au sein l’association des copropriétaires (ACP), qui empêchent d’atteindre la majorité requise pour prendre les décisions indispensables, l’absence d’un syndic, etc.
Le juge peut désigner un syndic judiciaire. La loi prévoit en effet que chaque copropriétaire peut demander la désignation d’un syndic judiciaire par une procédure de requête unilatérale devant le juge de paix. S’il s’avère effectivement qu’aucun syndic n’a été nommé, le juge de paix peut nommer lui-même un syndic pour l’immeuble, qui doit alors exécuter toutes les missions légales d’un syndic.
Bon à savoir. Un syndic provisoire peut être désigné si le syndic en fonction n’effectue pas convenablement son travail.
Désignation d’un administrateur provisoire. La loi du 18 juin 2018 prévoit aussi la possibilité, depuis le 1er janvier 2019, de faire désigner un administrateur provisoire. La désignation peut avoir lieu dans les immeubles dans lesquels le processus décisionnel, au sein de l’assemblée générale, est tellement paralysé que l’équilibre financier ou l’état technique de l’immeuble en est menacé. Un administrateur provisoire peut dans ce cas être désigné, même si un syndic a déjà été nommé et qu’il exécute ses missions de manière tout à fait convenable.
Bon à savoir. La demande doit provenir d’un ou plusieurs copropriétaires possédant (ensemble) au moins 1/5 des quotes-parts dans les parties communes, ou du syndic lui-même, qui constate que les conditions de désignation d’un administrateur provisoire sont remplies. L’administrateur provisoire peut ainsi prendre des décisions indispensables à la place de l’assemblée générale de l’ACP.
Le juge peut aussi désigner les deux
Cela est arrivé dans un procès. Le mandat du syndic d’un immeuble à appartements avait expiré, mais aucun successeur n’avait été désigné en raison de profonds désaccords. En outre, le fonctionnement de l’ACP était complètement paralysé, parce que plusieurs copropriétaires ne payaient plus leurs contributions pour les parties communes de l’immeuble. L’immeuble était donc devenu le débiteur de fournisseurs, dont les factures restaient impayées. Certains fournisseurs ont menacé d’interrompre la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité. C’est alors qu’un copropriétaire a demandé la désignation d’un syndic judiciaire et celle d’un administrateur provisoire.
Qu’a décidé le juge ? Le juge (JP Béringue, 24.04.2020) a considéré que tant la désignation d’un syndic judiciaire que celle d’un administrateur provisoire était nécessaire dans cette situation. L’administrateur provisoire a dû temporairement reprendre les missions de l’assemblée générale des copropriétaires, pour une période de trois mois, et a donc pris des décisions à sa place. Il a dû constituer un fonds de réserve et un fonds de roulement, donner ou non la décharge à l’ancien syndic, conclure un nouveau contrat avec le syndic, etc.
Vous pouvez, en tant que copropriétaire, non seulement demander que le juge désigne un syndic, mais aussi demander simultanément qu’un administrateur provisoire vienne prendre les décisions indispensables à la place de l’assemblée générale des copropriétaires, p.ex. sur la constitution d’un fonds de roulement et d’un fonds de réserve.


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