Répartir les frais de chauffage en copropriété : principes, conseils et solutions pratiques
- Copro
- 14 juin
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Dernière mise à jour : 21 juin
La répartition des frais de chauffage en copropriété est un enjeu majeur, souvent source de tensions et de litiges. Voici un résumé pédagogique, accessible à tous, pour comprendre les principes, les démarches à suivre et les conseils pratiques pour garantir une répartition juste et adaptée à chaque situation.
Les grands enseignements
Deux notions essentielles à distinguer :
Quotes-parts de droits : Elles représentent la part de propriété de chaque copropriétaire dans les parties communes, calculée selon la superficie, la situation et l’affectation du lot (appartement, commerce, etc.). Elles servent notamment à déterminer les droits de vote en assemblée générale1.
Quotes-parts de charges : Elles servent à répartir les dépenses communes (chauffage, entretien, etc.) entre copropriétaires. Leur calcul peut se baser sur la valeur du lot, l’utilité du service ou une combinaison des deux critères.
Trois modes de répartition possibles :
Selon la valeur du lot (surface, situation, affectation)
Selon l’utilité du service pour chaque lot (par exemple, un appartement en rez-de-chaussée utilise moins l’ascenseur)
Selon une combinaison des deux critères, souvent recommandée pour le chauffage collectif.
L’individualisation des frais de chauffage :
La tendance actuelle est d’installer des compteurs individuels ou des répartiteurs de frais de chauffage dans chaque logement. Cela permet de répartir la majorité des frais selon la consommation réelle de chaque occupant, encourageant ainsi les économies d’énergie4567.
La règle la plus fréquente : 70 % des frais sont répartis selon la consommation individuelle, 30 % selon la surface ou la valeur du lot (pour couvrir les pertes, le chauffage des parties communes, etc.).
Les difficultés pratiques :
Les immeubles anciens, mal isolés ou dotés de systèmes de chauffage vétustes posent des problèmes d’équité : certains logements, plus exposés ou mal isolés, paient plus alors qu’ils ne bénéficient pas d’un meilleur confort.
Les changements de technologie (ex : passage aux calorimètres électroniques) peuvent révéler ou accentuer ces inégalités, d’où l’importance d’adapter la clé de répartition.
Le rôle de la jurisprudence :
Les juges adaptent parfois la répartition pour tenir compte des réalités de l’immeuble, en combinant critères de valeur et d’utilité, ou en appliquant des coefficients correcteurs pour les logements défavorisés (dernier étage, pignon, etc.).
Conseils pratiques pour les copropriétaires
Informez-vous sur la clé de répartition en vigueur :
Consultez l’acte de base et le règlement de copropriété pour comprendre comment les charges de chauffage sont réparties dans votre immeuble.
Vérifiez si des compteurs individuels ou des répartiteurs sont installés.
Soyez attentif aux situations d’injustice :
Si votre logement est particulièrement exposé (dernier étage, pignon non isolé), demandez si un coefficient correcteur est appliqué ou peut l’être.
Surveillez les changements techniques (nouveaux compteurs, rénovation de l’isolation) qui peuvent nécessiter une adaptation de la répartition.
Agissez collectivement :
Si la répartition vous semble inéquitable, demandez au syndic d’inscrire ce point à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
Proposez une modification de la clé de répartition : cela nécessite généralement une majorité qualifiée (4/5e des voix).
En cas de refus ou de blocage, il est possible de saisir le juge de paix (article 3.92 du Code civil) qui pourra ordonner une expertise et imposer une nouvelle répartition si nécessaire.
Faites appel à des experts :
Pour toute modification, il est conseillé de mandater un géomètre-expert ou un professionnel du bâtiment afin de proposer une clé de répartition adaptée à la situation réelle de l’immeuble.
En cas de litige, une expertise judiciaire est souvent ordonnée par le juge pour éclairer la décision.
Démarches à suivre en cas de litige
Identifier le problème (injustice, surcoût, changement technique)
Rassembler les preuves (factures, relevés de consommation, plans, rapports techniques)
Contacter le syndic (demander l’inscription du point à l’ordre du jour de l’AG)
Participer à l’AG (exposer la situation, proposer une solution)
Si la majorité n’est pas atteinte : saisir le juge de paix
En cas de procès : une expertise indépendante sera généralement demandée
Conseils pour une gestion harmonieuse
Favorisez la discussion et la transparence lors des assemblées générales pour anticiper les litiges et trouver des solutions adaptées à tous.
Encouragez l’individualisation des frais : elle permet à chacun de payer selon sa consommation réelle, favorise les économies d’énergie et la justice entre copropriétaires.
Pensez à la rénovation énergétique : mieux isoler l’immeuble réduit les inégalités et les coûts pour tous.
À retenir
La répartition des frais de chauffage en copropriété doit être juste, adaptée et régulièrement réévaluée.
Il existe des solutions légales et pratiques pour corriger les situations inéquitables.
L’information, la concertation et l’expertise sont les clés pour une copropriété harmonieuse et économe.
En résumé : Soyez acteur de votre copropriété : informez-vous, dialoguez, proposez des solutions et, si besoin, faites-vous accompagner par des professionnels pour garantir une répartition des charges de chauffage juste, transparente et adaptée à la réalité de votre immeuble
Article juridique intéressant:
La « juste » répartition des frais de chauffage en copropriété par appartements – Entre essais et erreurs
Publié le 25 Mars 2024
Comment répartir correctement les frais de chauffage en copropriété forcée d’immeubles ou de groupes d’immeubles bâtis lorsque déperditions, type de chauffage, état de l’immeuble (vétuste, non isolé…), calorimètres à évaporation changés en calorimètres électroniques, etc., viennent altérer l’équation ? Un casse-tête parfaitement illustré par la décision du 19 janvier 2023 de la Justice de paix du canton de Molenbeek-Saint-Jean1.
Différencier les quotes-parts de droits et les quotes-parts de charges
Pour appréhender correctement la problématique du chauffage en copropriété, il convient de savoir différencier quotes-parts de droits (ou quotités) et quotes-parts de charges.
Les quotes-parts de droits correspondent au droit de (co)propriété de biens privatifs (appartement, commerce, garage, cave) dans les parties communes de l’immeuble ou du groupe d’immeubles. Elles sont calculées par rapport à la « valeur respective » de chaque partie privative déterminée selon trois axes : la superficie nette au sol, la situation et l’affectation de la partie privative concernée (art. 3.85 C. civ.). Ces trois éléments sont repris dans un rapport motivé fixant les quotités et établi par un notaire, un géomètre-expert, un architecte et/ou un agent immobilier, ce rapport étant en outre repris dans l’acte de base (et, en pratique d’ailleurs, souvent transcrit en annexe de celui-ci). Les quotités sont déterminantes pour l’obtention du quorum de présence à partir duquel l’assemblée générale (AG) peut se réunir (art. 3.87, § 5, C. civ.), mais également dans le calcul des majorités de vote à obtenir, qu’il s’agisse d’atteindre la majorité absolue (quod plerum que fit) ou une des majorités qualifiées énoncées à l’article 3.88 du Code civil.
Les quotes-parts de charges, quant à elles, sont l’instrument de répartition des charges inhérentes « à cette copropriété » forcée, soit aux parties communes et/ou au fonctionnement de l’association des copropriétaires (art. 3.81 C. civ.).
Les modes de répartition des quotes-parts de charges
Le Code civil établit trois modes de répartition des charges de copropriété forcée (art. 3.81 C. civ.) déterminant les quotes-parts de charges. Ces modes présentent une triple alternative : les charges peuvent être réparties selon le critère de valeur (on y appliquera alors simplement les quotités), selon le critère d’utilité de telle partie commune pour telle partie privative ou enfin selon une et la combinaison de ces deux critères de valeur et d’utilité.
Le critère de valeur renvoie aux quotes-parts de droits du bien privatif en question. Dans ce cas, les quotes-parts de droits et les quotes-parts de charges sont les mêmes.
Le critère d’utilité correspond à l’utilité abstraite que telle partie privative peut faire de telle partie commune (par exemple l’utilité abstraite d’un ascenseur pour un appartement du rez-de-chaussée alors que l’immeuble n’a pas de sous-sol desservi par ledit ascenseur).
Comment modifier la répartition des quotes-parts de charges ?
Quid lorsque le mode de répartition des charges est préjudiciable à un copropriétaire et/ou lorsque le calcul des charges est inexact ou devenu inexact en raison de modifications apportées à l’immeuble ?
Dans ce cas, le copropriétaire préjudicié veillera à solliciter en premier lieu l’assemblée générale (en demandant l’ajout d’un point à cet égard à l’ordre du jour de la prochaine AG au syndic [art. 3.87, § 4, C. civ.]). Si l’assemblée générale décide de modifier à ce moment la répartition des quotes-parts de charges, elle devra le faire à la majorité des quatre cinquièmes des voix des présents et représentés en vertu de l’article 3.88,§ 1er, 2°, a), du Code civil.
Si aucune solution ne peut être apportée par l’assemblée générale aux difficultés soulevées par le copropriétairedemandeur, il devra alors envisager une action en justice et invoquer l’article 3.92, § 7, 2°, du Code civil2 (il veillera à faire mentionner en marge la demande reposant sur cette base légale).
Que dit la jurisprudence de telles actions particulièrement en matière de répartition des charges de chauffage commun ?
Ces litiges interviennent souvent lors du passage de calorimètres à évaporation à des calorimètres électroniques. Ce changement, nécessaire pour diverses raisons (la fiabilité alléguée du deuxième type de calorimètre, le fait que les calorimètres à évaporation sont de moins en moins produits et donc de moins en moins disponibles ou encore un souci des copropriétaires de permettre un relevé électronique [et donc à distance] et non plus manuel desdits calorimètres) laisse apparaître des surcoûts de consommation chez certains copropriétaires (particulièrement s’ils sont aux étages élevés et/ou plus exposés aux variations de température en raison d’un pignon latéral non bâti ou d’un toit non isolé) ; cette modification est source de nombreux litiges. Malgré cette technologie nouvelle dont bénéficie ce secteur, il reste relativement compliqué d’établir avec une précision absolue la consommation personnelle d’un bien privatif et les déperditions, soit au profit des appartements des autres étages, soit au profit des communs, qu’il s’agisse des cages d’escalier ou des vides ventilés. En cas de procès, le juge de paix ordonnera dans 90 % des cas une expertise judiciaire qui permettra de l’éclairer sur la ou les bonnes clés de répartition.
Dans un jugement du 27 octobre 20233, en raison des circonstances de l’espèce et notamment du fait que l’appartement de la demanderesse n’était pas isolé par le toit commun qui ne contenait aucun isolant malgré sonremplacement intégral en 2010, ni par le pignon latéral non bâti à l’étage de la demanderesse et fait de maçonnerie sans isolant de chauffage commun en présence, la Justice de paix du deuxième canton de Liège a estimé que les charges communes de chauffage devaient être ventilées de la façon suivante :
35 % sur la base des quotités (critère de valeur) ;
65 % sur la base des consommations individuelles relevées par les calorimètres électroniques présents dans les appartements (critère d’utilité).
La décision du 19 janvier 2023 de la Justice de paix de Molenbeek exprime parfaitement la complexité de ces questions. Ce jugement doit constater l’absence de fiabilité du comptage tant des calorimètres à évaporation que des calorimètres électroniques, dans l’immeuble dont question, et ce, en raison de la spécifique de chauffage commun (chauffage monotube). « Faute de mieux », le juge de paix entérine, pour le passé, les conclusions du rapport de l’expert judiciaire qui préconisait une clé de répartition encore différente (soit 50 % en fonction de la superficie des biens privatifs chauffés et 50 % en fonction des relevés des calorimètres de l’époque [critère d’utilité]) ; pour le surplus et surtout le futur, le juge de paix réouvre les débats et demande à être documenté plus avant…
La « juste » répartition des frais de chauffage doit donc reposer à la fois sur les critères de valeur et d’utilité ou sur une combinaison de ces critères, recette d’une clé de répartition des quotes-parts de charges appropriée, à défaut, sans doute, d’être parfaite. Évidemment, il est toujours possible de modifier le mode de répartition des charges et/ou le calcul de celles-ci dans les conditions pré-rappelées. Une discussion saine et sans tabou au sein de l’assemblée générale devrait permettre d’entendre les difficultés concrètes de certains et d’anticiper les actions en justice sur ce thème.
1 J.P. Molenbeek-Saint-Jean, le 19 janvier 2023.
2 Art. 3.92, § 7, 2° : « Tout copropriétaire peut demander au juge de rectifier : […] 2° le mode de répartition des charges si celui-ci cause un préjudice propre, ainsi que le calcul de celles-ci s’il est inexact ou s’il est devenu inexact par suite de modifications apportées à l’immeuble. »
3 J.P. Liège (2e cant.), 27 octobre 2023.
Article rédigé par Arthur Desaive et Arianne Salvé - Avocats au barreau de Liège-Huy (DBB DEFENSO)
En collaboration avec
Décision du 27 octobre 2023 - Justice de paix du deuxième canton de Liège accessible ici.










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