Décharge du syndic en Belgique : obligations, abus fréquents et conseils pratiques pour les copropriétaires en assemblée générale
- Syndic
- 2 mars 2023
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Dernière mise à jour : il y a 22 heures
En Belgique, la gestion des immeubles en copropriété est strictement encadrée par la loi, notamment en ce qui concerne le rôle et la responsabilité du syndic. Chaque année, lors de l’assemblée générale, les copropriétaires sont amenés à se prononcer sur la gestion du syndic, notamment par le biais d’un vote appelé « décharge ». Contrairement à la notion de « quitus » utilisée dans d’autres pays, la décharge constitue en droit belge l’acte par lequel l’assemblée générale approuve la gestion du syndic pour l’exercice écoulé et, sous certaines conditions, renonce à engager sa responsabilité pour les actes connus et validés.
Ce mécanisme, bien que courant et d’apparence formelle, revêt une importance capitale : il conditionne la possibilité pour l’association des copropriétaires de poursuivre le syndic en justice en cas de faute de gestion. Dès lors, il est essentiel pour chaque copropriétaire de comprendre la portée juridique de la décharge, la procédure à suivre pour son octroi, ainsi que les précautions à prendre pour garantir une gestion transparente et protéger les intérêts de la copropriété.
Dans cet article, nous vous proposons une analyse complète et structurée de la décharge du syndic en Belgique, illustrée de références légales, de jurisprudence et de recommandations pratiques pour une prise de décision éclairée lors de votre prochaine assemblée générale.
1. Fondement légal de la décharge du syndic
La décharge est une pratique reconnue et encadrée par la législation belge sur la copropriété. Elle trouve son fondement dans le Code civil, principalement aux articles 3.88 à 3.91, qui organisent le fonctionnement de l’association des copropriétaires (ACP) et le rôle du syndic.
Article 3.89 du Code civil : définit les missions du syndic, qui doit notamment rendre compte de sa gestion à l’assemblée générale.
Article 3.91 du Code civil : impose la désignation d’un commissaire aux comptes chargé de vérifier les comptes de la copropriété et de présenter un rapport à l’assemblée générale.
Pratique courante : lors de l’assemblée générale annuelle, la décharge est généralement octroyée au syndic après la présentation du rapport de gestion et l’approbation des comptes.
2. Procédure et conditions d’octroi de la décharge
A. Rapport de gestion obligatoire
Avant de voter la décharge, le syndic doit présenter un rapport écrit de gestion, joint à la convocation de l’assemblée générale, permettant aux copropriétaires de prendre connaissance de l’ensemble des actes de gestion de l’exercice écoulé2. Ce rapport est essentiel pour que le vote de la décharge soit éclairé et valable.
« La convention de mandat est un contrat par lequel le mandant donne au mandataire la charge et le pouvoir de le représenter pour l’accomplissement d’un ou de plusieurs actes juridiques, le mandataire s’obligeant à remplir la mission qui lui est confiée et à rendre compte de sa gestion. »Benoît KOHL, Marie LANSMANS, François ONCLIN, Le mandat, Kluwer, p. 192.
B. Vote de la décharge
La décharge est votée à la majorité simple des voix des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée générale.
Il est recommandé que la résolution sur la décharge soit distincte de celle portant sur l’approbation des comptes, pour éviter toute confusion ou amalgame.
La décharge doit être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale, mais la loi n’impose pas son inscription systématique. Il faut se référer aux règles du droit commun sur les obligations d'un mandataire.
C. Portée juridique de la décharge
Effet principal : l’ACP renonce à engager la responsabilité du syndic pour les actes de gestion connus et approuvés lors de l’assemblée générale.
Limite : la décharge n’a pas d’effet si le syndic a commis une fraude, un dol, ou a dissimulé des faits importants. Le syndic reste responsable pour tout acte dont les copropriétaires n’auraient pas eu connaissance au moment du vote.
« Le quitus [décharge] ne couvre pas les actes dont le syndicat des copropriétaires n’avait pas connaissance et dont il n’aurait pas été à même lors du vote d’apprécier les conséquences. L’assemblée générale ne pouvait valablement donner quitus au syndic de copropriété dont elle ignorait la faute commise […] »(Cour d’appel, cité par copropriete-belgique.be)
3. Conséquences et précautions pour les copropriétaires
A. Conséquences de la décharge
En accordant la décharge, l’assemblée générale valide la gestion du syndic et renonce à toute action en responsabilité pour l’exercice concerné, sauf en cas de fraude ou de faute dissimulée.
La décharge ne libère pas le syndic de ses obligations de transfert de documents et d’informations à la fin de son mandat (article 3.89, §5, 7° du Code civil).
B. Précautions à prendre
Ne pas accorder la décharge à la légère : il est conseillé de ne voter la décharge qu’après avoir reçu toutes les informations nécessaires et avoir pu vérifier la gestion du syndic.
Formuler des réserves : si des zones d’ombre subsistent, il est possible de refuser la décharge ou de formuler des réserves, qui seront inscrites au procès-verbal.
Conserver ses droits : un copropriétaire ayant voté contre la décharge ou s’étant abstenu peut, en cas de litige ultérieur, faire valoir sa position pour préserver ses droits.
4. Abus et dérives à éviter
Certaines pratiques abusives ont été relevées :
Amalgame entre approbation des comptes et décharge : ces deux votes doivent rester distincts pour éviter que la décharge ne soit accordée par défaut lors de l’approbation des comptes.
Pression ou chantage du syndic : il est abusif de prétendre qu’un refus de décharge entraînerait automatiquement la révocation du syndic ou l’absence de mandataire
Décharge trop large : la décharge ne doit porter que sur les actes connus des copropriétaires et clairement exposés dans le rapport de gestion
5. Responsabilité du syndic après la décharge
Même après l’octroi de la décharge, le syndic peut voir sa responsabilité engagée si :
Une faute grave, une fraude ou un dol est découvert après coup.
Les copropriétaires prouvent qu’ils n’avaient pas connaissance de certains actes lors du vote de la décharge
L’action en responsabilité contre le syndic doit être décidée par l’assemblée générale à la majorité absolue (article 3.88, §7 du Code civil)
6. Recommandations pratiques
Demander systématiquement un rapport écrit de gestion avant toute décharge.
Vérifier la conformité des actes du syndic avec le mandat et la loi (articles 3.89 et 3.91 du Code civil)
Refuser toute pression ou amalgame lors du vote de la décharge.
Inscrire toute réserve ou refus dans le procès-verbal de l’assemblée générale pour préserver ses droits en cas de litige futur.
Conclusion
La décharge du syndic en Belgique est un acte lourd de conséquences : elle protège le syndic pour l’exercice écoulé, mais seulement pour les actes connus et validés par l’assemblée générale. Elle ne doit jamais être accordée à la légère, sans rapport de gestion complet et sans explication claire. Les copropriétaires doivent exercer leur droit d’information et de contrôle pour garantir une gestion transparente et responsable de leur copropriété.
Arc. Les abus des syndics en copropriété (French Edition) (p. 98). Vuibert. Kindle Edition.
